Certains d’entre nous -gens du terroir- sont moqués par les « franchimands » bon locuteur en français réfutant notre langue locale perçue comme un vulgaire patois. Ils ignorent que ce « patois » est une véritable langue, possédant tous les ingrédients de n’importe quelle langue du monde. Elle a des règles, une syntaxe, sa conjugaison et ses tournures propres. On pourrait penser que les formes grammaticales sont sensiblement équivalentes au niveau des langues romanes, notamment entre le gascon et le français. Il n’en est rien. Indépendamment de la grammaire basique qui possède ses propres règles, les différences de formes de construction se révèlent à travers de nombreuses phrases courantes et expressions. Déplacement et changement de prépositions, d’adverbes.. Remplacement du verbe être par le verbe avoir et inversement. Déplacement ou rajout des pronoms personnels, très mouvants en gascon. Il en est de même avec les articles qui s’absentent et resurgissent où on ne les attend pas… Du point de vue du français, « le gasconisme est une façon de parler et d’écrire empruntée du dialecte gascon et qui constitue une incorrectionen français. » En fait, un gasconisme est une traduction littérale -parlée ou écrite- du gascon au français comme une translation avec la reproduction d’une forme grammaticale particulière gasconne sur la structure française. Ce qui peut donner une fausse impression de charabia a des fondements profonds.
Quelques gasconismes
« Rectifications » en gras dans la version française (Phrase d’origine –> traduction)
Ne vau pas jamei (je ne vaispas jamais)
Que trobè dus veires de copats (il trouva deux verres de cassés)
Si n’ès pas malaut, jo que’n soi (si tu n’es pas malade, moi j’en suis –je le suis)
Ua tonha autan gròssa com un ueu (une bosse aussi grosse comme un œuf –qu’unoeuf)
Qu’arrivava de missa (il arrivait de messe –delamesse)
Que vieneràs après vrèspas (tu viendras après vêpres -après les vêpres)
Que l’arribarà un còp o aute (ça lui arrivera une fois ou autre -ou l’autre)
Que serèi aquiu en mieja òra (je serai là dans une demie heure –dans demie heure)
Qu’èi arrecebut ua letra de las toas (j’ai reçu une lettre des tiennes -de toi)
Que’s quitè la camisa (il enleva la chemise –sa chemise)
Pren-te lo capèth ! (prends-toi le chapeau ! –prends ton chapeau)
Que’mla hicarèi a costat (je me la mettrai à côté –je la mettrai côté de moi)
Que soi estat malaut (je suis été malade –j’ai été malade)
Ne t’as pas lavat las mans (tu ne t’as pas lavé les mains –tu ne t’es pas)
As anat véder aquò (as-tu allé voir cela? –es-tu allé)
Quan soi volut baishar (quand je suis voulu descendre –quand j’ai voulu)
Que s’a pensat tuar aqueth malhurós (il s’est pensé tuer ce malheureux – il a failli se tuer)
Que t’a cridat a tu tanben (il t’a grondé à toi aussi –toi aussi)
Que’m soi trobat aqueth bonet (je me suis trouvé ce béret –j’ai trouvé)
Quan t’enmaliràs, que m’ei parièr (quand tu te fâcherais, ça m’est égal –quand bien même)
La barrica que se’n va (la barrique s’en va -se perd)
Ne t’i védes pas ? (tu ne t’y vois pas ? –tu n’y vois pas ?)
Dus pomas de la rojas (deux pommes des rouges –deux pommes rouges)
Qu’ei lo terrenh qui s’at vòu (c’est le terrain qui se le veut –qui veut ça)
Que’s ved que vòu plàver (on voit qu’il veut pleuvoir –qu’il va)
Si pensas que se’n da (si tu crois qu’il s’en donne du souci –qu’il se fait du souci)
As enviat lo bestiar aqueste matin ? (as-tu envoyé les bêtes ce matin ? –as-tu lâché)
Que jogavan a las cartas (ils jouaient aux cartes)
Ne pòdes pas hà’idab eth (tu ne peux pas y faire avec lui –lui tenir tête)
Non se n’i dava pas briga (il ne s’en donnait pas du tout –il ne s’en faisait pas)
Que voletz ? ne’m poish pas mei (que voulez-vous ? je n’en peux plus –je n’en puis plus)
Pòrta-te’n aqueth tistalh (porte-toi ce panier –emporte ce panier)
Que te’n pòdes hidar a l’oncon (tu peux t’en rapporter à ton oncle –tu peux avoir confiance)
Que m’estimi miélher (je m’estime mieux –je préfère)
Los joens qu’aiman d‘estar libres (les jeunes aiment d’être libres –aiment être libres)
Lo monde que son braves (les gens sont braves)
Que’s signa Casalòt (il se signe Casalòt –il s’appelle Casalòt)
Que’m soi copat la cama (je me suis coupé la jambe –cassé la jambe)
Que’m cau anar tau medecin (il me faut aller au médecin –je dois aller chez le médecin)
Que m’agradan mei las ceresas que non pas las ahragas (elles me plaisent plus les cerises que non pas les fraises) (je préfère les cerises que les fraises)
Qu’aimi miélher la mia caseta que non pas lo castèth vesin (j’aime mieux ma maisonnette que non pas le château voisin -que le château voisin)
Nouveau : Le Dictionnaire des tournures et formules gasconnes (locutions, expressions, proverbes, citations…) ►Format 24×18 cm – 410 pages impression offset 5235 occurrences – 48000 mots ou phrases
Prix 36 euros (frais de port compris)
Commander auprès de l’auteur : hubert.dutech@orange.fr
EXPRESSIONS GASCONNES
Bien que le Béarn fasse partie entière de la Gascogne, j’ai choisi de citer à part, ici, des expressions gasconnes, essentiellement car j’ai commencé à travailler depuis longtemps sur des expressions béarnaises, et écrit conséquemment des pages sur ces recherches, résumées dans ce blog, à cet emplacement Faut-il le rappeler, la Gascogne forme grosso-modo un triangle dont la pointe se trouverait dans la pointe médocaine. La base est figurée par les Pyrénées jusqu’au col de Port en Ariège et les côtés par la Garonne (bien qu’elle soit franchie par la limite, au niveau de Toulouse) et l’Océan Atlantique (hors côte et pays basque). Les provinces suivantes la composent par ordre alphabétique : Albret, Ariège (Comminges, Couserans), Armagnac, Astarac, Bassin d’Arcachon (Buch), Béarn, Bigorre, Chalosse, Côte d’Argent, Gers, Gironde avec Bordeaux, Grandes Landes, Lomagne, Marensin, Médoc, Pays de Born, Pays de Gosse, Savès, Sud de la Haute-Garonne, Toulouse, rive gauche de la Garonne, Tursan. Voir carta_gasconha
De l’intérêt des expressions : Dans toutes les langues, les expressions allègent la phrase, lui apportent de l’oxygène et du piquant, en allant plus loin que le sens commun, avec des sous-entendus. Ce pourrait être la quintessence de la langue écrite, en s’écartant des sentiers battus… Il en est de même en Gascogne. Ces expressions relient les différentes périodes de l’histoire de cette langue ; l’ancien y côtoyant le plus récent. Locutions et proverbes peuvent en faire partie par l’intermédiaire des locutions proverbiales. •Tout d’abord, les expressions font la part belle au bon sens, qui semble s’amenuiser pour les nouvelles générations. Elles rappellent des vérités basiques qui se rattachent à des lapalissades : Ploja o calor, tostemps que cau l’apric (qu’il pleuve ou qu’il fasse chaud, il faut toujours s’abriter) ; Que vau miélher un pinsan a la man qu’ua grua au cèu (il vaut mieux un pinson à la main, qu’une grue au ciel). En d’autres termes, un tien vaut mieux que deux tu l’auras. / Quan las huelhas son cadudas, los nids que paréishen (quand les feuilles sont tombées, les nids paraissent) -tout finit par se savoir, l’habit ne fait pas le moine – •Les expressions avertissent, conseillent le locuteur et le lecteur, souvent en faisant des comparaisons directes ou indirectes. Elles prennent la forme de proverbes en rimant pour que l’idée ou le concept de base soit mieux intégré dans les esprits. Elles sont souvent comprises dans des métaphores en général issues du monde agricole ou de la nature. Elles contiennent souvent des sous-entendus qu’il faut lire entre les lignes, soit au sens figuré. Qu’a un plap de soja negra dessús (il a une tache noire sur lui) -il a commis une faute, il a un crime sur la conscience- •L’ironie est très présente, conséquente de l’état d’esprit gascon, tout comme la force de l’autodérision. Cette ironie peut prendre toute la place pour parfois se suffire à elle-même, tel …Seriós com un as de pica … (sérieux comme un as de pique) en laissant libre cours à la subjectivité du lecteur-auditeur. Aqueth cotèth que talha desempuish l’aiga dinc au sable … (ce couteau coupe depuis l’eau jusqu’au sable) ou bien Que talha com los meis jolhs. (il taille comme mes genoux) -il ne taille pas du tout- Parfois l’image est osée pour mieux en faire ressortir le sens caché : Curiós com un pòt de crampa espotringlat (curieux comme un pot de chambre ébréché) et tient de la poésie. Plusieurs d’entre elles se déclinent sous la forme d’un dialogue, en général au détriment de celui qui questionne. « Entà qu’es aquò ? – Entà har parlar los pècs e har arríder los sages» -en réponse à quelqu’un de trop curieux- (c’est pourquoi faire çà ? – Pour faire parler les imbéciles et faire rire les sages) ou bien : « Quin atge as ? – Vint ans ! – Oh ! e los de titar-popar ». -se dit lorsqu’une personne ne veut pas avouer son âge réel- (Quel âge as-tu ? – vingt ans ! – Oh! plus celui de têter...) •A un vantard, glorieux, il se répond : « Ah ! qu’ètz lo vailet deu haur, que vatz cuélher lo huec a chivau ?» (Ah! vous êtes le domestique du forgeron, vous allez chercher le feu à cheval ?) – (Que’u sembla d’estar perrode Carlamanha ) (il s’imagine qu’il est preux, grand seigneur de Charlemagne) -dans ce cas, le mot perro est volontairement ambiguë, car il veut dire chien en espagnol- « Quau ei mès arriche ? Aqueth cantaire qu‘a un palai en argent ! – Bòh, jo qu’è ‘t cèu ena boca » -le contenu ironique de cet échange fictif repose sur la bivalence du mot “palai” à la fois palais et palais de la bouche- •Les expressions sur un même sujet se multiplient souvent, comme la présentation des riches : Qui a bèth chivau a l’escuderia, n’es pas hontós d’anar au pas (celui qui a un beau-bon cheval à l’écurie, n’a pas honte de marcher au pas) ou Que pòt marchar a pè e a chivau (il peut marcher au pas ou à cheval -selon son envie-) De même que les riches, les orgueilleux ne sont pas ménagés : Ne’s hica pas la man au cap per un pedolh (il ne met pas sa main sur la tête pour un pou -en parlant d’un orgueilleux qui a fait fortune-) -il ne s’abaisse pas pour des tâches jugées subalternes- •On n’oublie pas de jouer avec les mots (synonymes ou homonymes) pour le seul plaisir, sans chercher un sens caché.. encore que… : Quan gahan un gai, que’n gahan dus (quand on attrape un geai, on en attrape deux ) -le mot gai signifiant à la fois le geai et la joie-. L’humour s’instille presque toujours en filigrane. •Parfois on y constate le goût du détail, la finesse de la comparaison : A tu lo pop e a jo le hroment (à toi l’enveloppe du grain et à moi, le blé) -se dit lorsqu’on entend le bruit d’une chute, soit à toi rien du tout et à moi le profit- •L’exagération est extrêmement fréquente : Que minjaré dab la mort aus pòts (il mangerait avec la mort aux lèvres) ; Har móler los dus molins (faire moudre les deux moulins -manger avec avidité des deux mâchoires-) .. Balhar un lavament dab tachetas ( donner un lavement avec des clous pour les sabots -tirer un coup de fusil- ) … Trucar dab lo cap d’ua shardina sus l’enclumi deu haur (taper avec la tête d’une sardine sur l’enclume du forgeron) -exprime une action complètement débile-. Se tirar lo vènte lunh de l’esquia (soulever-gonfler son ventre loin de l’échine– se rassasier, faire bombance) Balhar un còp de coshinèra (literie) est plus élégant que dire aller faire la sieste •A l’occasion on crée des néologismes, permis par la plasticité de cette langue. Celui-ci est optimiste : N’i a pas nat perrachàsqui ne tròbi son esclopichàs ( il n’y a pas de gros pied qui ne trouve -parvint à trouver- son gros sabot) … ou qui qu’on soit, qui qu’on soit, on ne peut manquer de trouver sa moitié, son double ! Par contre la suivante qu’on pourrait juger équivalente n’a pas du tout le même sens : Ne i a pas jamei l’esclòp que non sia lo pè (il n’y a jamais de sabot sans pied) celle-ci signifiant « à charge de revanche ».. tu auras le retour du bâton. •Certaines expressions sont empreintes de poésie : estar com un crèc sus ua jauga (être comme le traquet (oiseau) sur un jonc.) Ce qui n’empêche pas l’ambiguïté de la lecture. On peut voir cette expression comme l’équivalent de « faire le beau », ou bien « être sur le qui-vive, en quart d’œil, aux aguets ». L’un n’empêchant pas l’autre d’ailleurs. Il est très courant qu’un seul mot quel qu’il soit dans n’importe quelle langue porte en lui-même potentiellement plusieurs valences de sens, jusqu’à la contradiction dans des cas limites, ce qu’on peut retrouver dans le gascon. •Les comparaisons sont légion : Que cau préner lo drap suvant la lisièra e la hilha suvant la mair -si la bordure est bonne, le drap sera bon, de même pour le couple mère-fille- •Les jugements sur des personnes peuvent prendre un tour acerbe. Après les riches et les orgueilleux, les fainéants ne sont pas ménagés : Lo qui’s bota sus un chaminau,arré ne vau (celui qui se met sur un chenet spécial au haut arrondi -pour se réchauffer agréablement-, ne vaut rien.) ; Se forcerà pas la vea petèra (il ne se forcera pas la veine du cul) ; Qu’aima tant lo tribalh, de fòrça qui l’aima, que s’i seiré dessús (il aime tant le travail, qu’il s’assoierait dessus) Ne’s muda pas mei qu’un pòrc qui’s hrega (il ne bouge – se déplace- pas plus qu’un porc qui se frotte) -imagé- •Les hypocrites ne sont pas non plus épargnés : L’òmi faus quan ditz Jan, que cau enténer Martin (quand l’homme faux-hypocrite dit Jean, il faut entendre Martin) -il faut prendre le contre-pied de ce qu’il dit- •Les exploiteurs souvent confondus avec les avares, ne sont pas oubliés : Cau que sia ras on non pòt pas pàisher (il faut -vraiment- que l’herbe soit rasée pour qu’il n’aille pas y paître) -se dit d’un exploiteur qui sait ou qui essaie de tirer parti de tout- •Il faut parfois passer par plusieurs étapes de compréhension : Qu’a hicat la micha a la caudèira → il a mis la miche sur la chaudière → il a enfoncé le béret dans sa tête- → il est « prêt à faire du rentre-dedans ». •Le seul petit mot de « mat » dévoile un monde à lui tout seul. C’est la partie du sillon où l’on jette la semence ; il s’agit d’une multiplication de réceptacles aléatoires. C’est l’électron libre de la physique quantique… il y a des probabilités qu’il soit ici ou là.. . Dans cette configuration il y a des endroits plus faibles que d’autres, où le grain est plus susceptible d’être la proie des vers selon son emplacement, ce que traduit ainsi l’expression : lo vèrmi que sap trobar lo mat ; que i a mei d’un mat delong la cau (le ver sait trouver le « mat » car il y a plus d’un « mat » tout au long du sillon.) Sur le nombre il y a forcément un point faible, un maillon faible. On pourrait étendre cette expression à « les gens malins (représentés par les vers) savent trouver le point faible chez autrui ». Celui qui jette le grain dans le sillon agit aussi « au petit bonheur la chance ».
*Dernier livre publié : le « Dictionnaire des vallées et du piémont béarnais » ~novembre 2018~ *Prix Simin Palay (pour l’ensemble de mon œuvre) ~novembre 2020~
Je vous propose de faire le point en gascon sur cette longue période d’embarrament (confinement)
Où en est-on ? que pudem a l’embarrat -nous sentons le renfermé- ; que demoram entutats, a la tutèra (antre, grotte) ; que demoram encornerats -tapis dans un coin de la salle- ; encornerà’ s -se rencoigner, se mettre au coin du feu, s’installer dans un coin, le cornèr- ; encahornats -cachés, retirés, logés dans une tanière, dans un coin obscur et secret- ; encuhorrats, enclotats -enfoncés dans un trou, retirés du monde- ; encuhornats -bloqués comme dans un four-; encucats ; víver com ua cuca, réfugiés dans un creux, un endroit sombre comme le fait la cuca, la blatte- ; en.horatats -cachés, retirés de la société, installés au fond d’un trou- ; encavat -tapi dans une cave, caché dans un trou, un creux- ; en.hornats -comme enfournés- encornerats -rencoignés, au coin du feu, installés dans un coin, le cornèr–
Que devient-on ? monarro -personne peu gracieuse, boudeur, à la mine renfrognée- ; huco -peu sociable, méfiant, sauvage- ; tinhahús -taciturne, peu sociable, sournois- ; tumahus -d’humeur sombre, renfrognée, repliée sur elle-même, sournoise- ; ahumat -peu sociable, enfumé comme un jambon- ;arrevencèr.a -irascible, contrariant- ; arreganchat.ada -contrariant, rouspéteur- ; hrontèr.a -grossier, brutal- ; carranhós.a -grincheux, âpre- ; bossalon (frelon) -individu agaçant, bruyant, remuant, s’occupant inutilement-
Que peut-on faire pour tuer le temps : har cent lègas autorn d’un caulet -cent lieues autour d’un chou- ; har pishar las clocas ; har com lo pinsan, partir adara, tornar adarron ; eslimacar lo casau ; eslimacà’s lo cervèth (très utile).
-On peut s’attacher à des taches subalternes comme cabinetejar -trafiquer, fouiller dans ses armoires, déplacer et remettre- ; un proverbe nous conseille pour passer le temps : qui pedaça, son temps passa ; qui non hè arren tanben (faire et défaire, c’est toujours travailler/s’occuper) ; brasoquejar -attiser le feu- ; cauhinà’s -rester toujours au coin du feu-
–On devient casanier : casaliquèr, maisoèr… ours mal léché: cuca, barbau, barbalò (insectes) -sournois, renfrogné, asocial-
-Pour les femme d’intérieur, il se dit : har la cloca ; har la Maria-brasòc ; còaca -vieille femme qui reste au coin du feu- ; barbolèra -femme qui reste au coin du feu, à côté de la barbòla (cheville fendue servant de chandelier)-
Certains s’agitent d’impatience, ne tiennent pas en place : que trepitan ; tabarnejan -s’agitent comme les taons (tabard) – ; d’autes qu’an qu’an bròcs au cuu -agités, remuants, intenables- ; que jupiteran (plusieurs sens) ; trebàten -se démènent, se débattent- ; lo mei tarrible qu’ei de trafanar -être toujours en mouvement, frétiller, tracasser, être comme un rat empoisonné-. Certains deviennent mirondèu -tête légère, un peu folle, qui ne tient pas en place, affairé à des futilités- ; sarpatan.a -personne remuante qui ne tient pas en place- ; autres agités : tarabastèr ; arpatejaire -remuant, tracassier-. Autes que honejan -font de grands gestes dans le vide, comme qui actionne une fronde- -Certains sont comparés à la balaguèr.a, le puissant vent du sud ; pour désigner une personne active, remuante, voire incontrôlable- ; viroliu a le même sens. Pour ceux qui ne tiennent pas en place on dit : lo molet que’u prud ; qu’a minjat crabòt (ne pas confondre avec « har l’uelh de crabòt » qui est partir dans l’autre monde) ; qu’a argent viu dessús -qui ne tient pas en place, actif, remuant- ; non pòt pas càber a la pèth -il/elle ne peut contenir dans sa peau, turbulent -autre sens de vaniteux qui se gonfle- Pour se dégager d’une position gênante (sortir de l’ornière) : que’s dit : tirà’s d’un desencombre -position embarrassée- ; desentravà’s ; desglontir -dégager, désembourber- ; desencatalinà’s -se secouer, sortir de sa torpeur-
•On voudrait donc: har sortir lo crepaut deu horat ; desempetegà’s -se dépêtrer, se dégluer, se sortir d’embarras- ; alatà’s -se détendre, aspirer profondément- ; aisinà’s -prendre enfin ses aises, se décontracter en laissant les soucis de côté- ; desagorrupí’s -se détendre, se dégourdir, quitter son air renfrogné- ; desahumà’s -se désenfumer, sortir, se mettre au grand air, dégager son esprit des idées qui le troublent- ; desencatalinà’s -se dégourdir, sortir de sa torpeur- ; desagroà’s -se désagréger de la torpeur, se secouer, se dégourdir-; desentutà’s, destutà’s -sortir de son trou, s’arracher à la maison, prendre une bouffée d’oxygène-
Nous attendons donc impatiemment l’heuredu déconfinement ; de desacessà’s (sortir de son abri) ; desentutà’s ; desencahorà’s ; descahorà’s -sortir d’une caverne- ; desclastrà’s, desenclaustrà’s -sortir du cloître- ; desenconhà’s -quitter son coin, son repaire- ; descucà’s -sortir de son repaire comme la blatte-
Car enfin, nous pourrons bouger à volonté :
bolegar mei que mei -remuer ad libitum- ; esbate’s com un pèc -s’ébattre- ; segotí’s la pèth -se secouer- ; dà’s torn -se promener où bon nous semble- ; dà’s ua desgordida -se donner du mouvement- ; hà’s anar la codena -trimballer sa couenne par monts et par vaux- ; har córrer la sabata -faire courir la savate- ; dà’s ua tranlada -s’ébattre, danser pour danser- ; ancar -actionner les hanches, marcher vivement- ; arcandar, arcandejar -aller et venir où bon nous semble- ; desborregà’s -se réveiller, se secouer, se remuer, se dégourdir, contrairement à la borrega, vieille brebis–
Enfin nous serons sortis d’un mauvais pas : virat-s’at ; acampats ; tirar-se’n shens peishic ni pelat ; tirats de la hanga ; desempenats, desengravats ; destramalhats -se sortir d’une affaire embrouillée- tirats d’ua malavirada ; passar lo saut ; tirats de l’arroderat (ornière)-
… et de son isolement : sortir a la lutz -se montrer au grand jour- ; desenhoratats ; desenhornats -sortir de chez soi- ; desencahorats -sortis d’une caverne, d’une cachette-
Afin de :
•Prendre ses aises en toute décontraction : aisà’s ; eslasà’s ; esvagà’s -se donner du plaisir, se délasser- ; prosejar -prendre le temps de parler tranquillement tout en se promenant- ; alaisà’s ; alatà’s -se détendre, aspirer profondément- ; aisinà’s ; desagorrupí’s -se détendre, se dégourdir, quitter son air renfrogné- ; desahumà’s -sortir, se mettre au grand air, dégager son esprit des idées qui le troublent- ; desamorrí’s -se désengourdir, guérir du tournis- ; desencatalinà’s -se dégourdir- ; desagroà’s -se désagréger de la torpeur, se secouer, se dégourdir-
Et nous aurons:
Ua jòia destermenada -joie sans limite- a har-se’n tocar los pès au cuu, en ayant la poriqueta, la gatina -être sur un petit nuage- ; heureux comme : urós com un saumon au gave ; urós com arrats au palhèr, au burguèr ; urós com pedolh en perissa (tignasse). Nous pourrons alors hà’s ua pinta de bon sang et pousser anilhets et arrenilhets -cris de joie ioulés- dans une gueuda -état de liesse, réjouissance générale-
Pour célébrer la libération nous ferons un pic au crimalh (marquer l’événement d’une pierre blanche) en hicar la pora au topin -signe d’heureux événement.
Nouveau : Le Dictionnaire des tournures et formules gasconnes (locutions, expressions, proverbes, citations…) Concerne la Gascogne dans son ensemble, Béarn y compris.
►Format 24×18 cm – 410 pages – 5235 occurrences – 48000 mots ou phrases
Prix 36 euros (frais de port compris)
Commander auprès de l’auteur : hubert.dutech@orange.fr
Le béarnais est l’une des composantes du gascon et fait partie de la grande famille des langues occitanes avec lesquelles il a des origines et des correspondances sensiblement identiques. Il a cependant ses spécificités, ses tournures particulières, ses nuances, ses sens figurés…. On peut signaler au passage que la langue et toutes les formes sous lesquelles elle peut se manifester, constituent les véritables archives du peuple, plus que les chansons souvent écrites d’ailleurs autrefois par les lettrés, car celles qui l’ont été par des personnes du peuple ont en très grande partie disparues, du moins pour les plus anciennes souvent anonymes. Aucun pouvoir n’a imposé les composantes de notre langue qui a été façonnée par les autochtones eux-mêmes en fonction d’éléments locaux géographiques, climatiques, sociaux, et humains … notamment. Notre langue mairana (maternelle) est une langue très imagée dont les innombrables expressions font référence à des choses simples de la vie quotidienne, à l’environnement immédiat. Elles nous rappellent par leur contenu que le Béarn était encore un pays essentiellement agricole au lendemain de la dernière guerre mondiale. Il s’agit la plupart du temps de métaphores, c’est-à-dire des transpositions de sens.
En témoigne l’expression eslimacar lo casau (enlever les limaces du jardin) qui signifie aller à confesse, se débarrasser d’une pensée obsessionnelle. Mais on pourrait l’employer aussi aujourd’hui pour une psychothérapie quelconque, ou pour toute forme d’interrogatoire. Dans le langage courant certaines expressions basiques bien que galvaudées, sont ancrées chez les Béarnais et leur permettent, tout comme les chansons, les proverbes et les dictons, de garder un contact direct avec la langue, qu’ils soient locuteur d’occasion ou faible locuteur… Ce qui me laisse dire qu’il y a un important gisement en Béarn de locuteurs potentiels, qui ne connaissent pas bien souvent l’étendue de leur connaissance en ce qui concerne leur langue vernaculaire, ce que j’ai souvent constaté. Un gisement plutôt stérile, restant toujours hélas à l’état de promesses, du fait d’un barrage inconscient et d’une certaine retenue de mauvais aloi.
Il en est ainsi de a hum de calhau (à en enfumer les cailloux) ; a huec de caishaus (à feu de dents) , ces deux expressions voulant dire très vite, à toute vitesse. Viste hèit e plan fotut.. (vite fait, bien fait) ; a vista de nas (à vue de nez) …. atau-atau (comme-ci, comme-ça, couci-couça) ; atau qu’ei e qu’ei atau (ainsi c’est et c’est ainsi) ; tirà’t deu puisheu ! (sors-toi de là !) ; tirà’t de la halha ! (sors-toi du coin du feu, ou bien, tu m’empêches de me réchauffer !) ; vè t’arrajar las puç ! (va te faire bronzer les puces), soit : dégage ! – haut au diable (indique une surprise ; il correspond à… mince alors, flûte !) ; que n’èi hartèra (j’en ai marre) ; qu’ei de dòu har (c’est dommage) ; que’m hè dòu (je regrette, ça me fait deuil) ; bruma baish (indique une atmosphère très lourde au sein du foyer familial) ; qu’a la cuca… (il ou elle est énervé.e, râle, ne se supporte pas) ; har lo mus.h (faire la tête) ; que m’agrada… (j’aime) ; ne soi bon enlòc uei (je ne suis bon nulle part aujourd’hui) ; dit par quelqu’un qui n’arrive pas à se concentrer sur un travail, perturbé par des pensées parasites. Dehòra n’ei pas plen… (dehors, ce n’est pas plein) ou dehòra ne i a pas hum (dehors il n’y a pas de fumée) correspond à l’expression française : je ne vous reconduis pas, j’ai cassé le manche du balai… ce qui est plein de sous-entendus, une autre caractéristique de nos expressions.
Rien qu’en restant en prise avec le langage courant, on constate des nuances qui modifient parfois fortement le sens d’un mot. Exemple avec aqueste hilh de puta ou aqueth hilh de puta (ce fils de p…) … phrases devenues au fil du temps de simples exclamations. Mais la deuxième formule est beaucoup plus forte et insultante que la première… On se rend compte de l’importance des mots lorsqu’on emploie par réflexe, lors d’une discussion en français, un mot ou une expression béarnaise plus douces que leur équivalent en français… ce qui permet de désamorcer un conflit, ou du moins de l’atténuer grandement. En général, les astuces de la langue permettaient et permettent toujours d’apaiser les tensions interindividuelles toujours trop gaspilleuses d’énergie. Elles facilitent donc grandement la communication, en la rendant plus légère, moins dramatique.
Ce qui me paraît spécifique également, c’est la propension à jouer avec tous les mots quels qu’ils soient. Dans notre capital langagier, il y a beaucoup de petites comptines amusantes, de courtes chansonnettes et de simples jeux de mots, utilisables à tout moment dans la vie quotidienne (vita vitanta) .. et dont on ne se privait pas jadis : Quand on disait aïe ! il y avait toujours quelqu’un pour dire « ceba ! » (oignon) ; ou si on répétait mes… mes (mais, mais), quelqu’un rétorquait « mes, mes… dotze mes que hèn un an (douze mois font l’année) ; ou encore si on disait en bégayant après, après … il y en avait toujours un pour enchaîner … « e après, e après, quate crabas, sedze pès. » (et après et après, quatre chèvres, seize pieds). Malheur à celui qui répétait hé, hé ! pour attirer l’attention, car il recevait aussitôt en retour, la réplique : « Palha ! » parce que hé ou hen, ça veut dire foin, et palha : paille. Même chose pour celui qui commençait sa phrase par … « Alavetz » (alors), il s’entendait rétorquer … « trufas e caulets !» (pommes-de-terre et choux). Ou encore … « Que i a de nau ? –Arren de nau, tot de sèt e de ueit. » (Qu’y-a-t-il de neuf ? – Rien de neuf, tout de sept et de huit), car nau veut dire à la fois neuf et nouveau. Dans un autre genre, il pouvait se répondre ironiquement à cette question : « Que i a de nau ? – La nosta vaca qu’a hèit un chivau » (Notre vache a fait un cheval) Les mots vrai, vérité (vertat) et véritable (vertadèr) sont mis à toutes les sauces. Par exemple, il se dit : “S’ei pas ua vertat vertadèra, qu’ei ua vertadòta.” Si ce n’est pas une vérité vraie, c’es une vérité approchante. “Ua istuèra vertadèrament vertadèra.” Une histoire véritablement vraie. “Ua istuèra verdiusa verdausa” Une histoire plus ou moins vraie, peut-être pas racontable.
On peut dire que la langue révèle l’humour à fleur de peau des Béarnais, toujours prêts à mettre du piment dans leur vie quotidienne, histoire de passer par-dessus les difficultés inhérentes, de prendre du recul, de la hauteur. Mais cet humour pouvait et peut toujours être dirigé aussi vers soi, c’est ce qu’on appelle l’autodérision. Avant une situation difficile, certains disaient par exemple : Adara qu’i èm, ça disè lo boc qu’anavan crestar (maintenant on y est, disait le bouc qu’on allait castrer). Tot docet, craba, lo boc qu’ei vielh (doucement chèvre, le bouc est vieux)
Certaines expressions tiennent du proverbe en montrant particulièrement la finesse de notre langue maternelle, tout en reposant sur l’ambigüité : Pausà’s com los bueus a l’ombra deu noguèr.. . littéralement se reposer comme les bœufs à l’ombre du noyer. Mais en y regardant à deux fois, on s’aperçoit que le joug réunissant les bœufs est fait en noyer… donc les bœufs susdits ne se reposent pas mais travaillent bien … à l’ombre du joug, soit sous le joug. D’autre part l’ombre du noyer tend à amplifier l’idée première car cette ombre était réputée pour être la meilleure et était parfois même jugée dangereuse. Le béarnais se promène donc avec volupté dans l’ambiguïté. Bien souvent le sens principal est dissimulé derrière des sens secondaires et peut en fait signifier le contraire de ce qui semble se dire. C’est d’ailleurs une énième de ses caractéristiques… Le dicton « varam de la lua que seca era laca » pourrait suggérer que le halo de la lune était un bon indice de réchauffement à venir, seulement il ne pourrait assécher que la flaque (laca) ; c’est-à-dire que c’est le contraire qu’il faut lire.
Un autre exemple de ce type : l’expression laurar dab l’òs bertran … qui signifie labourer avec l’os bertran, soit en fait, manger les pissenlits par la racine, car l’os bertran est un synonyme du coccyx. En outre ce que ne révèle pas l’expression, c’est que labourer le jour de saint Bertrand était interdit par l’église. L’expression suggère donc que le sujet visé qui est mort, est libre de labourer à présent le jour de la saint Bertrand -sous-entendu- … sans crainte de recevoir une sanction ecclésiastique.
Un nouvel exemple : l’expression escapçatz-ve a des incidences multiples. Dans le sens premier ça veut dire détendez-vous, renforcé par le fait que le mot voisin de capcèr indique le chevet, le traversin. Elle est souvent associée à “Sedetz-ve” (Asseyez-vous), ce qui dirige un peu l’interprétation. Escapçar seul signifie mettre de l’ordre (dans ses idées), débrouiller une affaire, donner les éléments essentiels, exprimer sa pensée. Escapçar peut être employé pour l’idée de “couper un bout”, à interpréter ici comme se couper de soi-même, faire le vide dans son esprit. Estar d’escapça c’est remettre les pendules à l’heure, Hicar las causas d’escapça : mettre de l’ordre dans la maison (ou dans sa tête). Tot qu’ei d’escapça : tout est rentré dans l’ordre. La vertat que s’escaps : la vérité se fait jour. Estar d’escapça, c’est encore être bien disposé, posséder une grande faculté de compréhension Donc l’expression escapçatz-ve est à prendre d’abord dans son acception première d’invitation à se décontracter, à lâcher prise, mais avec une certaine charge d’ambigüité, car le sujet peut l’interpréter aussi comme une injonction à se dévoiler, à être dans l’obligation de faire usage de son intelligence pour sortir des vérités, soit l’obligation de « se mettre à table » Sans oublier que escapar qui est bien proche veut dire échapper. La personne employant l’expression a intérêt à faire un effort de prononciation pour se faire bien comprendre, à moins qu’elle veuille faire un lapsus… volontaire ! Si besoin était, cette expression “Víver de crotz e de badalhons”… (Vivre de croix et de bâillements) peut donner à penser qu’on a affaire à une grenouille de bénitier. Mais en sachant qu’autrefois nos ancêtres faisaient le signe de croix lorsqu’il bâillaient ou éternuaient, on penche plutôt pour l’inaction d’un paresseux. Nos ancêtres se signaient car ils avaient peur qu’en bâillant ou en éternuant, leur âme s’exfiltre de leur corps sans crier gare. Encore aujourd’hui des Béarnais prononcent « Coratge ! » (Courage !) en réponse à un éternuement. Saber mei que carn pudenta : porte sur les deux sens du mot, soit savoir et avoir une forte odeur. Se dit de quelqu’un qui veut faire le savant (prétendre ainsi sentir plus mauvais que de la viande pourrie). Cet humour portant sur un amalgame est l’apanage de très nombreuses expressions, par exemple celle-ci : “Estar de compostèla” … (Etre de compostelle) joue sur les mots voisins Compostelle (le pèlerinage) et le verbe compostar -faisant référence à quelque chose de peu solide, qui se déglingue, ,qui a besoin d’un soutien, d’un appui, d’un étai de consolidation, voire de soins dans un autre cas. En sus, le nom de Compostelle avait un sens péjoratif pour les gens du peuple car les chemins de ce pèlerinage étaient parcourus par une foule de gens parmi lesquels de vrais et faux infirmes et de nombreux aventuriers malhonnêtes. Comme nombre d’entre elles, l’expression suivante est vraiment ambiguë “De dalhas com de las hemnas, non n’i a pas qui las escalha”, soit littéralement, des faux comme des femmes, personne ne les ébrèche ; il faut qu’elles soient toujours opérationnelles (encore que l’escalha est un éclat de bois, un gros copeau, ce qui pourrait faire encore glisser vers une autre interprétation). Mais certains optent pour l’expression suivante qui la parodie : “De dalhas com de las hemnas, non n’i pas qui las escad”, soit il en est de même pour les faux comme pour les femmes, personne ne les réussit parfaitement. On pourrait y voir comme sous-entendu : personne n’arrive à les faire vraiment à sa main… voire à les dresser … si on suit ce raisonnement jusqu’au bout. Toujours à propos de nos compagnes, l’expression : « A la cosina que’s coneish la dauna » ; on reconnaît la valeur de la maîtresse de maison à la façon dont elle gère son ménage, mais cette assertion peut exprimer aussi son contraire et/ou ne se rapporter qu’à la seule cuisine.
Nombre de poètes se sont enthousiasmés sur les “semelles de vent” de Rimbaud, expression imagée qu’on ressent bien. Les expressions sont remplies de cas identiques -qu’on a du mal d’ailleurs à traduire- : “talhar los cisèus” (tailler les ciseaux) -bouger vite les jambes, courir vite- ; “s’amassar las hustas” (rassembler ses bois -de menuiserie) -regrouper ses jambes ; mettre les jambes à son cou-
Innombrables sont les comparatifs : que m’i enteni com lo gat a la musica (je m’y connais comme le chat à la musique) ; .. que’m va com l’esquira au pòrc.. (ça me va comme une clochette au porc). Ceux-ci s’inscrivent également dans le domaine de l’autodérision, renforcé par la diction. Souvent des jurons sont intercalés comme dans … n’ei pas hilh de puta possible (ce n’est pas HDP possible) . .. n’ei pas perdiu vertat (ce n’est pas par dieu, vrai) ; aqueth hilh deu diable..(ce fils du diable) Ils n’ont toutefois dans ce cas que la valeur d’une interjection.
Une des spécificités de notre langue est l’emploi très largement répandu des diminutifs utilisés sous forme de suffixes, ce qui permet d’adoucir les mots, de préciser leur fonction… et surtout de majorer les niveaux d’affection. Par exemple pour petite : petita, petitona, petiteta, petitòta, petitoneta, petiòta… Le grand béarnophile Simin Palay avait nommé sa maison de Gelos « Casa caseta ». Il avait tiré cette formule du proverbe difficilement traduisible mais exprimant le fait d’être mieux chez soi que nulle part ailleurs « a casa caseta que’m cauhi la cameta, en tot aute larèr no’m cauhi que lo pè ». Ce qui donne… dans ma maison maisonnette je me réchauffe la jambette, en tout autre foyer je ne me réchauffe que le pied. Il se dit aussi dans ce même sens : “casa caseta, quan non seré qu’hauguereta.” Soit, je souhaite avoir ma propre maison, ne serait-ce (même si ce n’est) qu’une petite fougère. Dans cet ordre d’idée, la phrase « ..lèu que sabó la causa causilheta », qui est du complice de Palay, Michel Camelat, est intraduisible (vite il sut la chose .. chosillette..) … soit, le fin mot de l’histoire, ou le dessous de l’apparence. Ces diminutifs se déclinent en in, ina ; on, ona ; et, eta ; òt, òta ; òu, òla ; at, ata … en pouvant s’ajouter les uns aux autres comme les poupées gigognes, exemple : petitoneta. Précisons qu’il y a nombre d’autres suffixes… Il en est de même des préfixes qui donnent une première indication sur le sens du mot qu’ils introduisent. De même que les diminutifs, de nombreuses tournures ont une connotation affective… On s’en aperçoit notamment par l’intermédiaire de l’introduction des pronoms personnels compléments … me-m’ .. te-t’.. se-s’ … qui permettent de lier les choses les unes aux autres. Il existe, ou du moins il existait, un rapport quasi fusionnel entre les Béarnais et leur monde environnant, ainsi qu’une très grande proximité avec leurs semblables ; ce qui transparaît à travers maintes expressions. En témoignent les phrases suivantes : J’ai oublié de t’écrire : que se m’ei desbrombat de t’escríver – Il faut que j’emporte : que’m cau har seguir – J’amène le chien : que’m hèi seguir lo can – Je me suis : que se m’ei – J’ai besoin d’un couteau : que’m hè hrèita un cotèth – Je regrette : que me’n sap mau – J’ai eu un vertige : que m’a passat ua estordida – Il voulait la : que se la volè … ou que la s’a volè.
*Petit rajout concernant des mots, riches par eux-mêmes, pouvant remplacer une périphrase : Le mot « pinsanèu » par exemple, vient du pinson, soit… qui tire du pinson. A l’origine il était attribué au chardonneret, qui, ayant oublié son propre chant, imitait le chant du pinson. Évidemment, les oiseleurs n’en voulaient pas, car ils étaient invendables. Par cet effet d’extension commun à toutes les langues, le mot s’est collé à l’homme de manière péjorative, en faisant de celui qui bénéficie de ce surnom une personne sans originalité, un suiveur-suiveuse, quelqu’un qui ne sait que copier, soit un mouton de panurge ! ○ D’autres mots remplacent à eux seuls, une phrase : soler → avoir l’habitude de ; sengles → un pour chacun, à chacun le sien ; corsidar → prendre en passant, poursuivre de ses assiduités, croiser à la manière des bateaux …
Pour poursuivre dans la bonne humeur, vous pouvez aller voir ma nouvelle page sur … les expressions gasconnes
Dès 1909, les terres béarnaises du Pont-Long, au nord de Pau, ont vu les premières évolutions aéronautiques, devancées cependant par les ballons atmosphériques et leurs courses folles entreprises aux alentours de Pau, notre capitale. Ce sont les frères Wright venus tout droit des « states » qui furent les précurseurs de l’aventure aéronautique entreprise sur nos terres. Leur choix était dicté, entre autres, par la stabilité climatique du Pont-Long, avec l’absence de vents violents. Durant leur séjour, les records de distance/temps se succédèrent sous les yeux d’un public conquis et de nombreuses personnalités, parmi lesquelles le roi d’Espagne venu spécialement d’Ibérie pour assister à cet événement mondial. L’homme politique local Louis Barthou, conseiller général des Basses-Pyrénées et ministre polyvalent, prit même place dans l’aéroplane des frères Wright, le Flyer II. Un atterrissage brutal lui causa même une blessure et dut faire choir par la même occasion son indéboulonnable chapeau melon. Durant leur séjour, les deux frères formèrent trois aviateurs dont l’un d’eux passera avec son « coucou » quelques mois plus tard sous l’arc de triomphe de Paris. La guerre survenue cinq années après ce brillant épisode aérien, avec la première utilisation des aéroplanes comme engins de guerre, le Pont-Long devint naturellement la base d’une école de pilote de guerre. Plusieurs décennies plus tard, c’est l’école des troupes aéroportées de Pau qui s’établit à cet emplacement. Les records de parachutisme défilèrent également. Une conséquence indirecte de l’élection du Pont-Long comme terrain d’évolutions aériennes, fut la traversée de l’Océan Atlantique par Lindbergh…. Elle tient au Béarnais Raymond Orteig, Ossalois de surcroît, qui offrit une récompense importante au premier aviateur qui franchirait l’Océan Atlantique, dans un sens ou dans l’autre, mais sans escale. Raymond avait assisté tout jeune à des évolutions aériennes au-dessus du Pont-Long et en avait gardé un souvenir merveilleux. Il partit aux USA et finit par acheter un restaurant à New-York, qu’il géra si bien qu’il le fit fructifier en achetant immeuble sur immeuble, hôtel sur hôtel. Lorsque Lingbergh revint triomphant dans son pays, il défila avec un cortège impressionnant de voitures à travers les larges et longues avenues de New-York. L’histoire ne précise toutefois pas que le personnage bedonnant assis à ses côtés durant de défilé, n’est autre que Raymond Orteig, bouclant en quelque sorte une boucle États-Unis – Béarn. Toute cette épopée mémorable est racontée en béarnais ici :
Controverse ossaloise.
Dans les années d’avant-guerre, alors que le folklore
de la vallée d’Ossau avait tendance à se déliter,
deux Ossalois échangent sur ce problème,
par revue interposée (Reclams), avec des points
de vue légèrement différents
Presentacion : qu’èi trobat suus vielhs calams d’abans-guèrra (1938) aqueth escambi agrimèu enter dus Aussalés, a perpaus de çò qui n’èra de l’estat deus musicaires (flutaires e tamborinaires) per la hèsta de Laruns. L’un meilèu pessimista, l’aute tot lo contrari ; mes tots dus suu pè de guèrra tà çò qui n’ei au par de la manèira d’arreviscolar las hèstas de Laruns d’autes còps, e d’encoratjar los joens a hicar-s’i tà las danças e d’apréner a jogar deu tamborin e de la flabuta.
◘Jan de Mongay :
Nosta-dama nosta ! deu mei capsús qui’m poish soviéner, dia de claror, dia de beutat, dia meravilhós on lo cèu pareishè devarat en vath d’Aussau ! La setmana d’abans, los « galants » dab la bèra pelha deus dimenges, vèsta roja, gilet blanc, culòta corta e cauças blancas que son pujats t’Aigas-Bonas tà har saber aus aigassèrs que la hèsta, la grana e beròja hèsta de Laruns qu’ei pròche e qu’averàn plaser e aunor a’us arcuélher sus la plaçòta, on s’i dançarà branlos e sauts. E los dus tamborinaires, Aubesti e Pèir, e l’avugle de Nauguès, lo Jan qui jòga deu vriulon, que s’aprestèn a har bronir los aires embriagants, e la joenessa de dançar en mesura, d’enviar la cama en l’èr, e de har retrenir d’aqueths arrenilhets dinc au som de las comas. Un parelh d’aqueths « galants » qui ne son que los conscrits de l’annada, que passan de maison en maison dab un gran plat garnit de flòcs on las immortèlas cuelhudas esprès au miei deus nevèrs, e hèn lo màger endom. Las floretas presentadas dab fòrça arrisolets que son agradadas de bona gràcia, e quauques pecetas que tringlan au plat.
L’auba deu bèth dia qu’a lusit. Deu som deu campanar, Talhurc, lo mèste sonador, que larga l’Angèlus. Ua pausa, un trang, dus, tres, com qui escota, e puish qu’ei tota l’aviada deus arrepics. Las campanas que se’n dan punch a la volada, e dab la loa trucadera la jòia que’n va d’ua montanha a ua auta. Qu’audim medish, qui’us hèn rampèu, las de Lobièr, de Haut-Beust e d’Assosta. E Gorzy, e la montanha verda, e Burguèra que’s renvièn tanben quauque reclam. Sus la plaçòta on ei la hont de marme, qu’an empondat quate barricas e quate taulas, e, au gessit de missa grana, qu’ei la hèsta de la dança, on la joentut deus vilatges torneja com se volè complir un rite.
Sovenir pregon qui guardi. La jòia qu’èra sus totas las caras e tot cadun qu’avè hicat lo beròi propiau, conservat en cada familha. Que l’avè tirat deus cabinets de noguèr e que sentiva bon lo romanin e l’aspic. La gojata a qui la mair fièra e esmavuda e l’apariava peu prumèr còp, que n’èra com tota cambiada e que semblava que l’amna de las mairbonas, l’amna de la tèrra aussalesa, tot çò qui pòrta l’aunor e la grandor d’ua raça gelosa de la soa tradicion, tot çò qui tresmuda au hons deu còr plan vadut los sentiments, que cridèsse çò qui devem aus ajòus, çò de miélher de nosauts.
Que soi d’ua generacion qui a vistas las darrèras culòtas cortas e las cauças de lan, los gualhards sus los esclòps a punta arrevirada, e qu’èi en memòri tandes d’Aussalés defunts de cara rasada, caperats deu berret marron e donc la camisa blanca estiglava. Los botons que n’èran de hiu e non de nàcre. Sus la trincha, ua cinta blua o roja que sarrava los còs.
Deus tres musicaires qui conegoi mainatge, un sol que viu engüèra, Aubestin, mes lo son clarin qu’ei mut. L’avugle de Nauguens qu’a passat lo vriulon au nebot, e los tamborins, s’i m’an dit, que’s moreishen en Aussau. Mes ne’s pòt pas… No’i seré per aquiu un reviscolaire prèst a har tirar enqüèra las arrelicas sedosas deus cabinets de noguèr ? Ah, s’èri còsso o caperan per Laruns, be’n tornarém véder processions e danças com las d’autes còps.
YAN DE MONGAY
Reclams : En seguida de la beròja pagina de Jan de Mongay, Aussalés, moss de Bréfeil que nse’n manda aquesta letra, qui, de bon grat, e hèm passar per la letra de motle. Las hèstas de Nosta-Dama e’s pèrden, òc o non ? Amics e confrairs, Bréfeil qui ei joen que ditz non, e ací qu’avem lo son truc de campana.
Robert Bréfeil :
Plan car amic e confrair. Qu’èi legut dab hèra de gai lo devís de Jan de Mongay sus la hèsta de Nosta-Dama de Laruns. Que m’a dat hèra de dòu de non pas està’i augan, mes que sabetz autanplan que jo, que lo mestièr militari non dèisha pas hèra de libertat. Qu’èi hèit tot çò qui ei podut tà’i poder viéner, mes en vaganaut. Bitara on n’èm pas que dus tutaires e un vriulon, la musica qu’a devut estar drin magre. Mes non cau pas desesperar per’mor d’aquerò, la Nosta-Dama de l’annada avenidera, que gausi l’espera au mens, que’m vederà, segur, jogar sus lo taulèr, las vielhas danças d’Aussau. Qu’èi vist, e aquerò no’m hè pas hèra de gai, que lo confrair Jan de Mongay que sembla portar lo dòu de tot çò de vielh en Aussau. Dilhèu que non s’ei pas mesclat desempuish longtemps de la vita paisana a noste, mes qu’averé devut saber que lo praube defunt Casassus-Barthou, de Laruns, qu’avè hèit, bèth temps a, escòla deus branlos e deus sauts. Que deveré saber medish que j’a bitara dus jogaires : Casabonne-Treyt tau tamborin e Nouguen, lo nebot de l’avugle vielh, qui an gahat la seguida e qui pòden tiéner un bal autanplan qu’auts còps. No’m hè pas guaire d’enveja de parlar de jo, mes que sabetz, segur, que sòi pro amuishat deus vielhs aires d’Aussau tà portar lo drapèu qui non poderà hicar la valea en desaunor. Bitara qu’èm donc tres, e que’vs pòdi assegurar que si diu e’m da ua vita pro longa, que seram mei numerós, dab l’ajuda deu temps, de la paciéncia e subertot de l’amor.
Dens lo país provençau, si m’an dit, que i avó un temps on lo tamborin se moriva, mes que j’a avut quauques esperits de la borra permèra qui an reviscolat tot e de plan. Bitara que son mei de dus cents tutaires. Tà qué non seré pas hèit parièr en Aussau e dens lo país adarron, on lo tamborin èra, au temps passat, en aunor ? Bitara que sòi encabestrat, non pòdi har arren, mes que gausi esperar que lo bon diu me darà pro de valentia, au temps a viéner tà poder har aquera òbra pietadosa, qui, lhèu, sauvarà los nostes branlos deu desbromb. Dejà dens la vath de Campan qu’èi amuishat un joen qui pòt ara, de plan jogar las danças de l’endret. Las bonas volentats que i serén, segur, mes que las cau trobar, e que’m voi cargar de segotir tot aqueste aròu de paisans qui son tostemps davant tà hicar lo vestissi deus vielhs, a’us qui non volèn pas jamei amuishà’s de plan de la musica vielha.
Sovent que non son bons qu’a abracar las danças e a la mescladera de « folklore » que voleré espudir carnavau medish. Pregatz lo confrair Jan de Mongay de non pas hicà’s la capa de dòu e de non pas arrengurar per los branlos. Non son pas morts ; que son plens de vita enqüèra. Non n’ei pas tant com autes còps, segur, mes totun pros que son los joens qui s’i saben har, simples, dobles, triscats e camadas. Si non n’i a tandes qu’au temps passat, los tutaires tanpòc, non hèn pas manca.
Tà vós e taus confrairs, las mias granas amistats e los mens felibrencs saluts.
~ France Bleu Béarn du mois d’août 2003 au mois de juillet 2005.
•Le Béarn de A à V.
•Le Béarn méconnu.
~ Radio País, Radio Oloron, La voix du Béarn : Dia per dia, l’histoire du Béarn, au jour le jour. ◙Émission biquotidienne « Matiadas » sur les trois radios en 2010, renouvelée en 2012.
~ Radio País en 2015 et Radio Oloron en 2014 : lecture du « Temps de las gruas » en béarnais. »Lo temps de las gruas »
~ Radio País en 2017 et Radio Oloron en 2016 : lecture des nouvelles de Fantasias à cœur ouvert, en béarnais.
~ Radio Oloron et Radio País 2018-2019-2020 « Lo parlar de la tasca » (La langue du pays) > Un jour, un mot !
◙Premier mot : tasca
Conférences effectuées ou effectuables :
~ La diversité des communes du Béarn. (Base : Lo noste Béarn)
~ A la découverte de la vallée d’Aspe. (Base : Terre d’Aspe)
~ Notes sur le roman « Le temps des grues ». (Tenants et aboutissants)
~ Réflexions sur la traduction de ce roman en « Lo temps de las gruas ».
~ Réflexions sur les recherches lors de l’écriture de « L’histoire du Béarn, au jour le jour ».
~ Périodes sensibles de l’histoire du Béarn. (Base : Dia per Dia)
~ Guerres et révoltes en principauté de Béarn. (Base id°)
~ Réflexions sur l’écriture de mes différents livres.
~ Patronymes et toponymes béarnais. (Base : site http://www.lebearn.net)
~ Complexité de l’étymologie (Lectures diverses.)
~ Finesse et richesse de la langue locale, du béarno-gascon.
Devís prononciat aus « Calams » biarnés 2016, on èri lo pairin. (Traduction en-dessous)
Aqueth lòc a on èm –Parlament de Navarra- que m’a brembat un eveniment istoric qui s’i ei debanat quate sègles a…. Tots qu’at savetz de plan, lo Biarn qu’estó autes còps independent pendent sègles e sègles, a’s gavidar tot sol. A pròva, en 1539, Francés lo purmèr que promulguè un edicte peu quau qu’èra d’ara enlà obligat d’emplegar lo francés peus tots actes oficiaus, juridics e administratius… Que s’aperava l’edicte de Villers-Cotterêts. Totas las regions e províncias de França que s’i pleguèn sonque un : lo noste Biarn. Lire la suite →